
Le réalisateur est décédé lundi soir à l'âge de 85 ans,
« paisiblement chez lui, à Paris,
entouré de sa femme et de ses enfants », a déclaré son fils Léonard Blier à l'AFP. Grande
figure du cinéma français, les films de ce dialoguiste hors pair, adepte d'un
humour noir et cru, ont marqué le cinéma des années 1970 et 1980. Anticonformiste
et irrévérencieux pour les uns, provocateur et symbole d'un autre temps pour
les autres, le nom de Blier restera surtout associé à celui de Gérard Depardieu, dont il a fait décoller la carrière en 1974 dans « Les Valseuses », aux côtés de Patrick
Dewaere et Miou-Miou. Film subversif devenu culte, « Les Valseuses »
est également marqué par un humour graveleux qui choque à l'époque. C'est dans
ce film que Depardieu lâche sa célèbre tirade : « On est pas bien ?
Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland. Et on bandera quand on aura
envie de bander ».
Son œuvre essuie aujourd'hui des critiques pour sa
misogynie ou la façon dont il met en scène la domination masculine. Ces
dernières années, certaines de ses actrices comme Miou-Miou ou Brigitte Fossey ont raconté avoir parfois subi son humour graveleux comme une
humiliation ou une agression. Réalisateur d'une trentaine de films, Blier
restera comme un cinéaste populaire, qui pouvait réunir six millions de
spectateurs dans les années 1970 avec "Les Valseuses" et encore trois
millions dans les années 1980 avec « Tenue
de Soirée », où Depardieu et Miou-Miou tournent cette fois avec Michel Blanc. Sa disparition marque la fin d'une époque pour le cinéma
français, certains de ses proches et complices de plateau étant partis avant
lui, de Patrick Dewaere, qui s'est suicidé en 1982, à Michel Blanc, décédé en
octobre dernier. Depardieu, quant à lui, mis en examen pour viols, est devenu
un paria dans le 7e Art. Josiane Balasko, que Blier avait dirigée en
1989 dans « Trop belle pour toi », a salué
sa mémoire sur Instagram : « Bonne
route mon ami. Et vide un godet avec Blanc au passage ». « Quel
privilège d'avoir tourné pour toi. Tu étais un patron. Un ami. Un inventeur
dans le cinéma. Ta poésie, ton audace, ton verbe, ton rire, tes silences. Tu
aimais tellement les acteurs », a écrit de son côté Jean Dujardin, qui
interprétait un écrivain alcoolique dans « Le Bruit des glaçons ». Ce film de 2010, avec Albert Dupontel, sera
l'un des derniers succès de Bertrand Blier, pour qui les années 2000 furent
moins fastes.
Plusieurs personnalités ont salué sa carrière, tout en
soulignant que ses œuvres étaient ancrées dans une époque révolue. « Dans
des films qui s'inscrivaient dans leur époque, il avait offert des rôles
iconiques aux plus grands. (...) Bertrand Blier était un cinéaste immense et
anticonformiste, un amoureux fou de la liberté de créer », a souligné la
ministre de la Culture, Rachida Dati. « Aussi bien écrivain que cinéaste,
cynique que provoquant, moraliste que blasé, Bertrand Blier aimait les femmes,
mais les faisait maltraiter par ses mecs », a souligné Gilles Jacob, l'un des anciens président du Festival de Cannes, dans un message à l'AFP.
« Il y a, dans ses films, des trouvailles sidérantes, une exposition osée
de certaines mœurs révoltantes, des scènes hilarantes qui frisent l'absurde et
de l'émotion aussi », a-t-il poursuivi. « J'aimais cet homme, sa
manière de pousser les situations, les malaises et les rires, et quand il
parlait de Bernard (Ndlr, son père). Ils poussaient loin les caractères (trop,
dira-t-on aujourd'hui, mais c'était hier). J'aimais sa voix, son regard et ses livres »,
a écrit de son côté Pierre Lescure, autre ancien président du
Festival de Cannes.
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